Salem
Vingt-six ans. Né au Maroc de mère libyenne et de père marocain. Grandit en Libye. Y reste jusqu'au bout, insiste-t-il. Jusqu'à ce que des miliciens, en l'occurrence, entrent dans sa boucherie armes au poing. Tout le monde a des armes, là-bas ! Il y a des gamins de moins de douze ans qui entrent chez toi pour te braquer ! En 2016, il jette l'éponge et s'embarque sur un zodiac. Deux jours sans manger ni boire, avant d'être récupéré par un navire de commerce qui le dépose en Italie. Là, il donne tout : son nom, sa carte d'identité marocaine, son permis libyen. On lui signifie qu'il doit quitter le territoire italien sous huit jours. Il prend le train sans billet, passe à travers les contrôles jusqu'à Vintimille, où il traverse la frontière à pied, en contournant le poste-frontière. Des parents, installés dans le Midi, le récupèrent sur une aire d'autoroute côté français. Il s'installe à Montpellier, vit en colocation avec un ami, travaille au noir comme technicien de surface. Lorsque nous le rencontrons, il est au centre depuis le 24 mai et n'a encore jamais vu d'interprète. Il a du mal à comprendre ce que les policiers lui expliquent. Ce n'est que devant le Juge des Libertés et de la Détention qu'il peut bénéficier des services d'un interprète. Condamné une première fois à quitter le territoire, il est en attente d'une nouvelle audience en appel. Il en est à son quatrième séjour au CRA de Sète. Il égrène comme une litanie son parcours, que jalonnent contrôles au faciès, interpellations, gardes-à-vue, séjours au CRA... Fin 2016, première interpellation place de la Comédie à Montpellier, deux jours de garde-à-vue, reste un mois et demi au centre, on lui donne quatre mois pour quitter le territoire. Il part en Espagne, puis revient à Montpellier. En 2017, re-belote, interpellé dans le quartier de Plan Cabanes à Montpellier, reste un mois et demi au centre, on lui donne six mois pour quitter le territoire. Fin 2017, interpellé à nouveau dans le même quartier, reste un mois et demi au centre, on lui donne un an pour quitter le territoire. Le 22 mai 2018, il est interpellé à nouveau place de la Comédie. Même topo : deux jours de garde-à-vue puis direction le centre. Cette fois, on le prévient : si l'on vous attrape une cinquième fois, vous écopez de dix ans de prison ! Il n'aura pas le temps de le vérifier.
* Salem est expulsé vers le Maroc le 22 juin. Les policiers sont venus le chercher dans sa chambre au petit matin, ils ne lui ont pas laissé le temps d'emporter ses effets personnels.
Pablo pour ExCRAdition Générale
- Rendez-vous pour les visites aux enfermés : 10H et 14H devant le CRA de Sète au 15, quai François Maillol.
- Point info et assemblée générale tous les soirs 18H devant le CRA
FB Excradition générale
Et sur Médiapart :
Photographie d'Ernest Puerta
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