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[ExCRAdition Générale !] - Le Démantèlement des CRA - Jour 10

Nadir

Dix-sept ans et demi. Grandit au Togo. Orphelin de père à huit ans, perd sa mère à treize. Recueilli par son oncle qui vit au Niger. Y reste deux ans, sans y être scolarisé. Agressé lors de manifestations contre les chrétiens, alors qu'il est lui-même musulman, il décide de quitter le Niger. Passe par la Libye, obtient de l'aide à Tripoli pour traverser, et se retrouve à Naples. Tests osseux pratiqués à son arrivée en Italie : quinze ans. Dirigé vers un hôtel d'hébergement, en fugue très vite. Se retrouve à Nice, rencontre des jeunes Ivoiriens avec lesquels il peut enfin communiquer, prennent le train ensemble, se font débarquer à Montpellier, dorment devant la gare. Le matin, une femme les conduit au local du RAIH (Réseau Accueil Insertion Hérault), qui les place en hôtel d'hébergement, puis dans un foyer de l'enfance. Il est alors orienté vers l'association UTOA (Un Toit Où Apprendre) qui l'inscrit dans une formation en menuiserie jusqu'à la fin de l'année scolaire, puis en hôtellerie à la rentrée 2017. Il est arrêté chez lui à six heures du matin le 4 avril 2018. Condamné à trois mois de prison, il effectue une partie de sa peine - un mois et trois semaine - à la prison de Villeneuve-lès-Maguelone, avant d'être transféré au CRA de Sète le 30 mai 2018. Nouveaux tests osseux pratiqués lors de son arrestation, soit un an et demi après son entrée sur le territoire : dix-huit ans. Il attend un certificat de naissance que son oncle, depuis le Niger, a adressé à l'ambassade du Togo en vue d'être authentifié. 


Il entame sa deuxième semaine au CRA de Sète lorsque nous retournons le voir. Très éprouvé après ce qui s'est passé ce matin. Il nous parle d'Aly Sidibé et, tout en nous parlant, se demande s'il ne sera pas le prochain sur la liste. Ils sont venus le trouver dans sa chambre, il était huit heures du matin, il a résisté, mais ils l'ont pris par la force, c'était tellement brutal, nous raconte-t-il. On est venu voir, on a rien pu faire, ils étaient trop nombreux. Il serre contre lui un cahier d'écolier sur lequel il a écrit avec application, l'histoire de sa vie, tout simplement. Du haut de ses dix-sept ans. Sa famille de cœur, comme il dit, lui a donné ce cahier lorsqu'il est entré au CRA, pour en faire un livre lorsqu'il en sortira. Il s'accroche à ce cahier autant qu'à cet espoir, comme le dernier lien qui le rattache à cette famille. Mes anges, nous lit-il, je les appelle mes anges dans le livre. Et l'espace d'un instant il esquisse un sourire qui, mieux qu'un test osseux, atteste de son âge.



« Dès les premières arrivées importantes de mineurs à l’automne 2016 (à l’échelle nationale, le nombre d’arrivées a été multiplié par six depuis 2013, selon le dernier rapport de la mission « mineurs non accompagnés »), les services de l’ASE de l’Hérault ont pris l’habitude de transmettre quasi systématiquement les documents d’identité produits par les jeunes au service de la fraude documentaire de la police aux frontières (PAF).


Quand ce dernier conclut à un document falsifié, le procureur déclenche une enquête pour faux et usage de faux, qui peut conduire à une expertise médico-légale de l’âge du jeune. Si celle-ci estime que le jeune a plus de 18 ans, les choses vont alors très vite : arrestation, jugement le plus souvent en comparution immédiate (c’est-à-dire avec un avocat commis d’office qui n’a que quelques heures au mieux, souvent quelques dizaines de minutes, pour prendre connaissance du dossier) et condamnation à une période de prison ferme souvent comprise entre un et trois mois si le jeune reconnaît être majeur, et régulièrement de six mois s’il dit être mineur, ainsi qu’à une obligation de quitter le territoire français de trois à cinq ans. »


Extrait d'un article Médiapart, Comment l’Hérault envoie les mineurs isolés en prison, 19 juin 2018, par Nicolas Chevassus-au-louis.



Je ne savais pas que ma « liberté » me serait interdite… Une p'tite carte de séjour aurait pourtant suffi, même un de ces récépissés qui te visse au sol désiré quelques temps en suspension.

Avec ça, si j’avais su ton nom, ton prénom, toi enfermé là-bas dans tes six mètres carrés de parloir-désespoir aménagé, on aurait pu parler...


Ma carte d’identité est valable jusqu’en 2015, alors l’administration du CRA m’interdit de venir faire des visites tant que je n’aurais pas une pièce d’identité « valide ». Un petit coup de zèle, pour nous squizzer un peu plus. A la mairie, ils m’ont pourtant assuré que je pouvais m’en servir jusqu’ en 2020 ! Maintenant, nous sommes trois visiteuses dans le même cas, sans papiers, devant les murs du CRA.


Alors, je me suis imaginée une porte de sortie pour te retrouver sans pap', sans portes, sans ces gardiens de l’autorité, sans cette queue leu leu des secondes à attendre entre deux parloirs pour 20 personnes incarcérées dans les griffes de leur inhospitalité, et nous, familles imaginaires de la revendication, attendant là, méprisées devant la grille gelée du CRA de Sète, en plein cagnard. C'est de coutume, frères, chez ces gens-là, on ne pense pas, on décompte, on supprime.


Vingt minutes précieuses pour se découvrir, pour se raconter, toi et moi.

Visiteurs, Visiteuses, même COMBAT…

Pour tous ceux et celles en lutte contre tous les formes de privations de liberté.


Toute personne munie d'une carte d'identité et d'un nom de personne enfermée a le droit de venir effectuer des visites au CRA, de 10h à 12h et de 14h à 17h.

Il faut sonner à l'interphone du CRA, au 15 quai Maillol.

On peut aussi appeler la cabine du CRA au 04 67 53 61 60. Les personnes enfermées répondent directement et on peut leur demander si elles souhaitent être visitées.


Manuel et Farida pour [ExCRAdition Générale !]



RAPPEL 

CONFERENCE DE PRESSE DEVANT LE CRA DE SETE AU 15 QUAI FRANÇOIS MAILLOL

AUJOURD'HUI JEUDI 21 JUIN à 10H00



FB Excradition générale

Et sur Médiapart : 


Photographie Julie-Anne Marmet




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