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Ensemble, exigeons la libération d'Aly Sidibe

« Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit ? »

Victor Hugo, Melancholia, Les Contemplations, 1851.


Aly Sidibé aura bientôt 17 ans, le 10 juillet prochain. Arrivé en France en mars 2017, il est ce qu'on appelle ici un « Mineur Non Accompagné ». Il est inCRAcéré depuis le 18 mai 2018 à Sète. Du statut de mineur isolé scolarisé, il a dégringolé à celui de « présumé majeur », condamné, enfermé et expulsable.


Après avoir été contrôlé et arrêté à Montpellier le 19 mars 2018, il a fait trois jours de garde à vue, subi des tests osseux et dentaires qui ont permis de contester sa minorité (« entre 16 et 18 ans »), été jugé en comparution immédiate, condamné pour falsification de documents et incarcéré à la maison d'arrêt de Villeneuve–les-Maguelones, où il est resté « deux mois et une semaine », précise-t-il, avant d'être transféré au CRA de Sète en vue d'une expulsion.


L'OQTF (Obligation de Quitter le Territoire) à été prononcée durant sa garde à vue, avant même qu'il ne soit jugé et condamné : il reste expulsable à tout moment, l'objectif étant de l'expulser AVANT sa convocation par le Juge des Libertés, le 17 juin prochain (qui a tout pouvoir pour prolonger son maintien au CRA ou... pour le libérer !).


La preuve, Aly nous apprend que, la veille de notre visite, les agents de la Police Aux Frontières sont venus le surprendre à six heures du matin.


Il a refusé d'être emmené et embarqué dans un avion pour la Côte d'Ivoire. Selon la loi, les futurs expulsés doivent être avertis de la date de leur « éloignement », ce qui n'a pas été le cas pour Aly. En refusant d'embarquer, Aly s'expose à commettre un délit qualifié d' « obstruction à la mesure d'éloignement », à être jugé en comparution immédiate, à subir une peine de prison ferme et d'interdiction judiciaire de territoire. Le deuxième avion est déjà en vue...


« Les enfants à l'école, pas en prison ! »


Actuellement, il y a trois mineurs inCRAcérés à Sète (Aly, Rachid Ali et Dialo Boubacar) et un collégien sétois, Mamadou Barry, incarcéré à la maison d'arrêt de Villeneuve–les-Maguelones (Midi Libre du mardi 5 juin 2018). Nous nous étions déjà mobilisés pour le cas du jeune Falikou, scolarisé à Bédarieux, qui a fini par être libéré.


Pour tenter d'expliquer cette aberration, ces jeunes mineurs sont contrôlés et l'on conteste leur minorité grâce à des tests osseux et dentaires non fiables. On les condamne ensuite pour usage de faux, on les sort de l'école pour les jeter en prison ou en Centre de Rétention, pour mieux pouvoir les isoler et les expulser. Lors de la marche du 3 juin des États Généraux de la Migration, un slogan scandait :


« Les enfants à l'école, pas en prison ! »


Encore une remarque : Aly n'est pas un « sans papiers » . Il est en possession d'un extrait d'acte de naissance prouvant sa minorité. Mais l'administration française ne reconnaît pas forcément les documents administratifs émanant de ses anciennes colonies, écrits à la main ou non authentifiés.


Nous sommes en attente de l'envoi, par la famille d'Aly, de son extrait d'acte de naissance, qu'il faudra encore faire authentifier par le Consulat. C'est une course contre la montre, car les procédures d'expulsion accélérées permettent d'exécuter les injustices avant même que ne puisse être établie la bonne foi et le droit des étrangers.


Aly est parti de Côte d'Ivoire avec un compagnon de route un peu plus âgé, un homme de confiance issu du même quartier. Ils ont fait la route ensemble. Après la mort de son père, sa mère étant gravement malade, la situation familiale est devenue beaucoup trop compliquée... Il a été scolarisé (en français) jusqu'en CM2 et a décidé de venir en France pour pouvoir continuer ses études, souhaitant devenir électricien.


Passés par le Mali, l'Algérie, la Libye, ils ont pris un bateau pour l'Italie. Son compagnon de route est resté en Italie. Aly y est resté de juin 2016 à mars 2017, dans un hôtel pour réfugiés. Mais ne voyant pas de possibilité de poursuivre ses études en Italie, ne parlant pas la langue et ne bénéficiant que d'un cours hebdomadaire d'italien, il a continué vers la France. Arrivé en France en mars 2017, il a été confié à l'Aide Sociale à l'Enfance. D'abord hébergé dans un hôtel pendant 5 jours, il a passé une évaluation, fait quatre mois de stage en électricité, puis a été scolarisé le 13 novembre 2017 au lycée Jean Jacques Rousseau, à Montpellier, en première année de CAP paysagiste. Il était alors hébergé dans un  appartement, avec deux autres jeunes et une éducatrice qui assurait un suivi. Il avait également trouvé un maître de stage paysagiste et signé une convention de formation en entreprise. Tout semblait en bonne voie pour cet adolescent dont les enseignants vantaient unanimement le sérieux et la motivation :« intéressé et motivé » ; « élève impliqué » ; « volontaire » ; « attitude positive » ; « bonne intégration et implication ».


« ...Et là, ils m'ont tout foiré ! »

Les documents attestant de sa réussite scolaire ont été transmis au juge...

Il n'a pas de soutien, plus d'argent, plus de chargeur pour son téléphone, plus de carte SIM, plus aucun contact avec personne. Il nous donne le nom de deux de ses professeurs. Nous parvenons à joindre une personne de son établissement, qui nous chargera de lui transmettre des messages de soutien de la part de ses professeurs et de ses potes : « On ne t'a pas oublié, on pense fort à toi, tout le temps. On ne savait pas comment te joindre, comment venir te voir ? »


Nous avons décidé, au nom de RESF, de le parrainer et de l'accompagner dans ses démarches de régularisation : débloquer son téléphone pour pouvoir joindre et être joint, briser l'isolement auquel son enfermement le contraint, rechercher un avocat qui ne soit pas commis d'office, contacter sa famille, assurer le lien avec ses professeurs et ses amis, raconter son histoire...


« Je suis innocent ! Je veux être libéré ! »


Aly ne comprend pas ce qui se passe, disant qu'il est innocent, que si ses papiers ne suffisent pas, il peut en fournir d'autres, qu'il n' y a pas besoin de le mettre en prison pour cela.

Il fait dix pompes au réveil, cinq au coucher. Et il prie pour qu'on le libère.

"On s'est sacrifié pour venir en France et on nous accueille avec de la prison ! C'est pas bien ! Je suis innocent. Je veux être libéré."


Il nous dit qu'ils sont trois jeunes comme lui au centre de rétention, et qu'il y a aussi trois personnes qui font la grève de la faim. Que l'ambiance n'est pas facile au CRA, et que pour ceux qui font le Ramadan, la nourriture fournie le soir consiste en un mélange de conserves, qu'ils avalent faute de mieux. Il dit qu'il envisage lui aussi se mettre en grève de la faim pour protester contre son expulsion.


Rencontres au parloir des 5, 7 et 8 juin 2018, CRA de Sète.

Sandrine Germain-Robin et Juliette Massat, Réseau Education Sans Frontières.


Je demande que les services de la république fassent dignement leur travail d’examen des situations des migrants et réfugiés, dans le respect du droit français et international et dans un esprit d’humanité au service des droits de l’homme.

Je demande que cessent les arrestations et les renvois aux frontières, et que les enfants réfugiés, conformément au droit français et international, aient accès à une prise en charge digne et à la scolarité.


Lien vers la pétition :

https://www.change.org/p/prefecture-de-l-herault-ensemble-exigeons-la-lib%C3%A9ration-d-aly-sidibe




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